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Billy Wilder : la scandaleuse de Berlin (1948), un admirable chef d’oeuvre

http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Scandaleuse_de_Berlin

là encore on s’étonne de la stupidité de la traduction française du titre en anglais :

« A foreign affair »

Il s’agit d’une comédie, délicieusement drôle, de Billy Wilder, et ce grand réalisateur excellait dans la comédie (cf notamment « 7 ans de réflexion », « La garçonnière »)) comme dans la tragédie ou le film noir(« Lost week end », « Assurance sur la mort », « Sunset Boulevard » , « Le gouffre aux chimères » et d’autres).

Le film est sorti en 1948, il a été tourné (sans doute en 1947 ?) dans les ruines réelles de Berlin.

Quand je parle de « comédie », et donc de « comédie américaine », je ne dis pas que ce n’est pas vraiment « sérieux », que c’est juste un divertissement.

Cela l’est aussi, on est assuré de passer un très bon moment de cinéma, on n’arrête pratiquement pas de rire d’un bout à l’autre du film, mais c’est une comédie « sérieuse », comme tout ce que faisaient à l’époque les grands : Billy Wilder et Vincente Minnelli, pour citer les deux plus grands d’entre eux.

D’ailleurs comme Wilder, Minnelli se partage entre « comédie » (cf « La femme modèle », film vraiment délicieux) et tragédie , comme « 15 jours ailleurs » ou « Comme un torrent » sur lequel j’avais écrit :

http://www.blogg.org/blog-69347-billet-some_came_running__comme_un_torrent__de_vincente_minelli__avec_frank_sinatra__dean_martin____-814152.html

ce genre de la comédie américaine est daté, et il me semble que la dernière est justement celle de Billy Wilder : « Avanti » qui date de 1972

(mais je ne connais pas très bien le cinéma, je peux me tromper, et puis il y a la « comédie italienne » qui continue après 1972, jusqu’à quelle date ? va savoir…)

Que s’est il passé « après » ?

tout ceci est justement, à mon avis, en relation avec le dernier « évènement » universellement assignable aux consciences modernes (ou contemporaines « post-modernes ») :

la guerre de 1939-1945

Et il y a quelque chose d’indiciblement émouvant à contempler, dans « Foreign affair » , ce monceau de ruines qu’était alors Berlin, et qu’il est resté … jusqu’à quand au fait ? jusqu’aux années 60 il me semble…

Il s’est passé que de 1945 à disons …1960, ou 1965 , ou à peu près, il y avait tout à reconstruire, en Europe et au Japon, et les américains, qui n’avaient rien à reconstruire chez eux, avaient conscience de DEVOIR aider les autres peuples à se reconstruire.

Et ils l’ont fait, à leur manière pataude et naïve…le plan Marshall en est l’exemple le plus connu, et sans doute le plus efficace.

Le monde avait donc un sens : il s’agissait de donner à manger à ceux qui avaient faim, une maison à ceux qui vivaient tels des rats dans les ruines…

Donc, plaçons nous du point de vue d’un Yankee, d’un WASP donc, à lépoque c’était encore le white protestant yankee qui tenait le haut du pavé aux USA, les noirs n’étaient pas encore libérés des interdits racistes, les asiatiques se faisaient tout petits, et quant aux juifs…leur influence était limitée, sauf à Hollywood bien sûr (et là je ne parle pas seulement des producteurs comme Zanuck, mais de la pleiade de grands talents juifs, comme Wilder ou Preminger).

Cet américain avait une tâche noble et exaltante , aider les autres peuples, leur porter la bonne parole du capitalisme américain, les défendre contre le communisme; mais en même temps tout allait bien chez lui, la crise de 1929 était bien terminée, il y avait du travail pour tous (tous les blancs en tout cas), les salaires augmentaient, l’insouciance était de mise, l’Amérique était la  » super grande puissance » qui régnait sur le « monde libre »…seul un français obstiné du nom de Charles de Gaulle refusait de se plier en quatre devant elle.

la « comédie » était donc le genre cinématographique « normal » pour cette époque bénie (bénie en tout cas pour les yankees WASP).

Mais, en ses meilleurs exemplaires, elle se devait de n’être pas seulement un divertissement, mais d’être aussi « sérieuse » car le monde était sérieux : il y avait un travail à accomplir, et un travail gigantesque, il y avait une croisade à mener contre le communisme, et si je ne suis certes pas un admirateur des USA ni du capitalisme anglo-saxon, je suis un anti-communiste primaire et sans faille, comme je suis un anti-nazi et un anti-Coran sans faille, et pour les mêmes raisons.

Cela dit les guerres menées par les USA dans les années 50 et 60 étaient elles « justes » ? pour la guerre de Corée, je ne connais pas assez le dossier, et ne puis me prononcer… pour la guerre du Vietnam, il me semble que même si elle pouvait (peut être ?) être « juste » au départ, les horribles crimes de guerre commis (par les bombardements notamment) l’ont vite transformée en une boucherie ignoble, et totalement disqualifiée.

Jusqu’à quand dura cette époque « bénie » (pour les yankees WASP) de l’insouciance alliée à la « noble tâche » ? jusqu’au début des années 60 il me semble…
L’affaire des missiles de Cuba, où le monde passa à deux doigts d’une guerre nucléaire, les débuts de la guerre du Vietnam, l’assassinat non éclairci à ce jour de Kennedy, les vagues de contestation dans les universités américaines, les émeutes raciales, le déferlement de la drogue , la « libération » sexuelle (réelle ou prétendue), tout cela marqua l’entrée dans une nouvelle époque.
Et, coïncidence ? C’est aussi vers cette date que les indicateurs de productivité industrielle en Occident commencèrent à s’effondrer, et que le choix de la mondialisation fut fait pour y remédier.
Mais ce qui causait tout cela, c’est que la reconstruction et la relance de l’appareil industriel en Europe s’achevait, ce qui restait c’était la « poussière cachée sous le tapis » à savoir la guerre Est-Ouest.
Le sens du monde s’éclipsait, car le confort matériel ne peut y suffire..d’où les différentes « révolutions estudiantines », celle de 68 notamment.
La tragédie remplaçait la comédie, le monde rassurant des années 50 disparaissait..puis dans les années 80 la guerre Est-ouest fut peu à peu remplacée par celle Nord-Sud , et au cinéma commença le règne (notamment avec « Reservoir dogs » de Tarantino et les films des frères Coen, ou, dans un tout autre genre, de David Lynch) des films « décalés » où triomphe l’ironie et la dérision, ou l’étrange : réaction à l’obscurcissement de plus en plus étouffant de toute perspective de sens universel.

Réaction au nihilisme qui gagne donc, au « convive le plus inquiétant »…
Tel est en gros le schéma évolutif : et la merveilleuse comédie sérieuse de Billy Wilder en 1948, elle apparaît comme une chose …préhistorique , d’avant les années 60 donc, comme cette autre comédie tout aussi merveilleuse et délicieuse qu’est « 7 ans de réflexion » : seulement derrière le édélicieux » se trouve toujours la tragédie, celle qui allait frapper Marilyn Monroe 6 ou 7 ans plus tard, dans des conditions que nous dirons là encore « pas très claires », et où surnagent des mafiosi ou leur « amis hollywoodiens » comme Franck Sinatra, ou les frères Kennedy (John et Bobby) et leur « représentant hollywoodien » Peter Lawford, qui a connu 20 ans plus tard la fin tragique, alcoolisée, droguée et couverte de filles intéressées, que l’on sait…

Quant à « Avanti », qui marque en quelque sorte la « frontière », elle est plus proche et contient une « critique » absolument hilarante de la nature pataude de ce qu’était encore en 1972 la « superpuissance » américaine.